Autrice s’étant souvent définie comme « anarcho-féministe », la question des violences systémiques, et particulièrement celles faites aux femmes, imprègnent les livres de Lola Lafon. Chavirer, le dernier en date, ne fait pas exception, à travers le destin d’une pré-adolescente issue de la petite classe moyenne pavillonnaire.
Passionnée par la danse et piégée par la promesse d’une bourse pour jeunes talents dispensée par une pseudo-fondation, son désir aussi flou qu’exalté de devenir « pro » en fera la victime — puis la rabatteuse — d’un réseau pédophile installé dans les beaux quartiers, et ayant établit son terrain de chasse dans les MJC de banlieues. Nous la suivrons ensuite dans sa carrière de danseuse, de cabarets en plateaux télévisés d’émissions populaires, à l’aune d’une enquête de police et à travers les témoignages de celles et ceux qui l’ont connue.
En campant cette figure de victime paradoxale, que nombre de tribunaux auraient jugée coupable, Lola Lafon met à jour les mécanismes insidieux et la domination intériorisée des rapports de prédation, vus sous le prisme de la fracture entre les classes sociales. Elle signe ainsi un grand roman sur le remords et la culpabilité qui rongent et réduisent au silence les victimes d’abus sexuels.