On se souvient de cette formule terrifiante de cynisme et d’aveuglement dont avait usé Didier Lombard, PDG de France Télécom, qui au plus fort de la crise provoquée par la restructuration de son entreprise avait appelé à « arrêter cette mode des suicides ».
Dix ans plus tard, il comparaissait aux côtés de Louis-Pierre Wenès et Olivier Barberot, ses anciens bras droits, et de plusieurs autres cadres, à l’occasion d’un procès qui marqua un tournant dans le droit pénal, puisqu’il consacra la notion de « harcèlement moral institutionnel » et incrimina pour la première fois un système de management en tant que tel. Celui-ci ayant consisté, peu ou prou, à dégrader sciemment les conditions de travail pour accélérer le départ de 22 000 salariés et obtenir la mobilité de 10 000 autres sur un total de 120 000 employés...
Éric Beynel, ancien porte-parole de l'Union syndicale Solidaires - seule organisation syndicale interprofessionnelle à s'être portée partie civile – a souhaité que ce qui allait effectivement devenir une victoire historique sorte de l’enceinte du Tribunal de Grande Instance. Il convia romancier·ère·s, chercheur·se·s et artistes à documenter le procès, produisant un feuilleton judiciaire mis en ligne chaque jour d’audience.
Interrogé par les étudiants DSAA Design éditorial du Lycée Eugénie Cotton de Montreuil, et en compagnie de Nathalie Quintane, l’une des autrices ayant pris part au projet, il reviendra sur la façon dont ces vingt-et-une chroniques, maintenant rassemblées en un livre, proposent le décryptage d’une opération de déshumanisation à grande échelle, avec des ressorts aussi violents que familiers.