Peinte en majesté dans la fresque que Diego Rivera réalisa pour les usines Ford, ou représentée dans son absurdité cauchemardesque dans les films de Chaplin ou de René Clair, la chaîne d’assemblage est devenue le symbole même du capitalisme industriel.
Yves Pagès l’aborde par ses déclinaisons les plus inattendues : les tapis roulants de nos salles de fitness ou ceux des caisses de supermarchés, ou par ses ancêtres prototypiques les plus invraisemblables. Il y eut par exemple la « trépigneuse », machine agricole dont la force motrice était produite par des chevaux ou des chiens – l’exploitation animale précédant celle des humains, les terribles « moulins disciplinaires » des prisons anglaises et, dans la sphère des loisirs enfin, les trottoirs roulants de l’exposition universelle (et leurs avatars contemporains dans les gares et les aéroports).
Trois lignes généalogiques pour une histoire politique du tapis roulant : la productiviste, la coercitive et la récréative, qui forment autant de pas de côté en dehors de nos automatismes de pensée. Des chemins de traverse arpentés avec érudition dans cet essai critique rieur et stimulant, dont les croisements sont tels qu’ils convergent et interrogent « ce après quoi la technocratie dominante nous fait courir ».