Dans son dernier roman, Rachid Benzine transforme en procédé littéraire bouleversant ce mode de correspondance fréquent dans les années 1960 à 1980 qui consistait, pour les travailleurs immigrés venus en France, à envoyer des cassettes audios enregistrées à leur famille restée au Maghreb.
C’est toute une boîte d’entre elles, soigneusement datées, que le narrateur retrouve à la mort de son père, dans cet appartement de Trappes où il a passé son enfance. Lens, Aubervilliers, Besançon. La mine, la cimenterie, le bâtiment, les relations avec les Français, les souffrances de l'exil et les désillusions, ce portrait en creux des Trente Glorieuses. Et puis cette voix enregistrée d’un père taiseux, qui traduit ses émotions au plus intime : ce partage du présent venu tout droit du passé.
Dans cette conversation tissée entre l’ici et l’ailleurs, entre les lignes de partition du fils devenu pianiste, celui-ci apprend, « par la bande », les mots qui lui manquaient pour comprendre sa propre histoire.