Les lecteurs et lectrices de La Vie devant soi de Romain Gary se souviennent avec émotion du « premier grand chagrin » de Momo, le jeune narrateur, lorsqu’il apprend que Madame Rosa s’occupe de lui « seulement pour toucher un mandat à la fin du mois ». Skander, le héros du premier roman de Mokhtar Amoudi, partage son désarroi. Lui non plus, on ne l’aime pas « pour rien », et l’amour et l’argent sont les deux polarités entre lesquelles sa vie s’écartèle.
Confié très jeune à l’Aide sociale, on le change brutalement de famille d’accueil à huit ans. Celui-ci se retrouve désormais sous la garde de Madame Khadija, qui vit seule dans une ville de banlieue parisienne. Sa relation ambivalente avec elle ainsi que celle qu’il entretient en pointillés avec sa mère biologique, une personne en proie à des addictions qui se prostitue pour survivre, constituent la trame de fond d’une trajectoire que le livre nous laisse suivre jusqu’à ses dix-huit ans : depuis son décrochage de l’école, où il excellait pourtant, en passant par la rue, sa violence et ses tentations lucratives.
À partir d’un sujet difficile qui le touche de près, l’auteur signe un roman d’initiation où l’humour s’immisce là où on l’attend le moins et écrit sans surplomb, à hauteur des premiers concernés.