Au préalable de toute entreprise de massacre, de domination, d’exploitation, de contrôle et d’encadrement d’un groupe humain sur un autre, on observe une procédure d’animalisation de ce dernier. Réciproquement, c’est dans l’anthropomorphisme qui détermine notre rapport aux animaux, la hiérarchisation que l’on opère entre les espèces, que l’on observe au plus près le fonctionnement des mécaniques qui nourrissent les systèmes capitalistes, coloniaux, patriarcaux et les projets génocidaires. La domination de l'Homme sur l'animal est la matrice originelle de toutes les formes d'oppression : c’est la thèse que défend la romancière et sociologue Kaoutar Harchi dans son dernier livre.
Elle y développe le concept d’« ordre zoosocial ». Cet ordre n’est pas une division « naturelle » entre humains et animaux, mais un processus ségrégatif visant à « humaniser » ou au contraire « animaliser » certains types d’humains ou d’animaux, afin de légitimer le traitement différencié qui leur est fait, de le donner des droits, ou de s’octroyer au contraire des droits sur eux.
En étayant son argumentaire d’exemples tirés de son histoire personnelle, elle incarne sa pensée dans une expérience située. Un procédé que l’on retrouve dans Littérature et révolution, dont il sera également question dans cette rencontre : un dialogue entre elle et l’auteur Joseph Andras qui explore la question du rôle de la littérature dans les luttes révolutionnaires, et la capacité des mots à provoquer des changements réels dans la société.