Orpheline de père et de mère, Baya Mahieddine (1931-1998), qui dessinait enfant des robes inspirées par les magazines de mode, devint à seulement seize ans une révélation internationale grâce à une exposition à la galerie Maeght, en 1947 à Paris. Un succès fulgurant qui ne peut être dissocié du contexte colonial. Le pouvoir français exploite alors son image pour projeter une vision idéalisée d’harmonie culturelle, cherchant à détourner l’attention des tensions politiques exacerbées par les massacres de Sétif et Guelma ayant eu lieu deux ans plus tôt. Si son art a séduit les élites parisiennes, il a aussi été enfermé dans une vision exotisante qui réduisait ses œuvres à une expression 'primitive', ignorant souvent la richesse et la complexité des traditions kabyles qu’elle réinterprétait avec modernité.
Dans Baya ou le grand vernissage, sa biographie minutieuse et éclairante de cette figure majeure de l’art algérien, Alice Kaplan met en lumière cette tension constante entre appropriation coloniale et autonomie artistique. Après une décennie de silence, Baya reprend sa peinture dans une Algérie en quête de souveraineté. Ce retour marque un moment clé où son art devient un espace d’affirmation personnelle et nationale, s’inscrivant dans un mouvement artistique qui accompagna la naissance d’une Algérie indépendante.