Thomas Clerc a une passion singulière : dresser des inventaires et explorer minutieusement les territoires qu’il habite. Après avoir détaillé le dixième arrondissement de Paris et chroniqué son propre appartement, il s’attaque à son nouveau quartier, le dix-huitième arrondissement, qu’il arpente rue par rue, square par square, pour en tirer une description totale. Ce sont 425 odonymes – rues, impasses, villas, boulevards – qui forment la trame de ce livre foisonnant, hybride entre guide de voyage et fresque introspective.
La lecture de ce texte de plus de 600 pages – mi-guide de voyage, mi-spatiographie introspective – est un régal. Héritier revendiqué de Georges Perec, Walter Benjamin et Guy Debord, Clerc fait de son 18ᵉ un « livre-monde », esthète et dandy, où chaque rue devient un tableau vivant et hétéroclite. De Montmartre, refuge des touristes, aux abords du périphérique, des dark stores aux cafés de quartier, il consigne tout, avec une obsession minutieuse et fantaisiste, note les graffitis, s'attarde sur ses rencontres canines, signale les « AFS » – laideurs architecturales qu’il juge « à faire sauter » d’urgence. À cela s’ajoutent des digressions poétiques, des micro-exercices de style et des performances artistiques – comme recouvrir une BMW abandonnée d’affichettes où est inscrit « cette voiture appartient à Rachida Dati ».
Le prix Wepler 2024 est venu couronner cette entreprise. Deux arrondissements sur vingt, il reste à Thomas Clerc dix-huit livres à écrire, le projet est de taille !